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Petit blog clandestin
5 janvier 2014

Et d'abord, d'où je viens.

Je sais que ce que je vais raconter ici risque de paraître fort curieux, voire peu intelligible, à la majorité des passants. Mais pourtant, il faut se souvenir, pour me comprendre, que j'ai eu vingt ans en 1975. Période de bouleversements, où l'on croyait encore, après 68, qu'il fallait exiger l'impossible, et qu'on avait ,sous les pavés, la plage. Période où le féminisme posait activement ses brûlantes questions, et où l'on pouvait passer quatre heures, à huit, à se demander qui allait faire la vaisselle.

 

Je suis issue, pleinement, de l'idéologie de ce temps-là, avec ses outrances et son espoir, son insouciance et ses contradictions. Il s'agissait de faire s'écrouler le vieux monde. Bien. Mais dans le tohu-bohu, la remise en cause de la société de consommation passait par de bien curieux chemins. Certains de mes amis, longs cheveux, démarche dégingandée, allocations chômage en poche, ne faisaient réellement rien d'autre de leurs journées que chercher à acheter du shit, tout en dénonçant le "système". Nous parlions de tout et de n'importe quoi, étions persuadés d'être différents de nos parents. Mais pourtant, à la question "et s'il y avait une guerre et un exode, où irais-tu ?", la réponse, invariablement, était familiale...

La plus forte vague qui m'emporta fut évidemment celle du féminisme. Groupe femmes de la fac de lettres, café femmes, manifestations sur le thème de la rue, la nuit, et libération sexuelle. Avec, là encore, outrances diverses et variées. La jalousie était niée, ce n'était que de la "peste émotionnelle", au sens de Reich,  petite-bourgeoise. L'école ? Un leurre, un emplâtre sur une jambe de bois, la voie royale de la reconduction sociale, façon Bourdieu. La littérature ? un degré zéro, d'après Barthes.

Je ne partageais certes pas les outrances de mon temps, mais j'ai toujours gardé quelques convictions, suivies d'effet. Un. Suivre les enseignements du deuxième sexe, de Simone de Beauvoir, et privilégier des "amours nécessaires", tout en m'autorisant des "amours contingentes". deux. Tenir farouchement à mon indépendance financière, et pour cela accepter un travail alimentaire. trois. Ne jamais céder à la peur, même en face du harcèlement de rue (j'en étais souvent la victime, comme toutes), et tenter d'appliquer mes convictions à ma vie.

Je lisais avec avidité à peu près tout ce qui me tombait sous la main, et tirai le plus grand avantage des lectures croisées de Marcel Proust et Virginia Woolf. Aujourd'hui, je me dis que tout pourrait aller mieux dans ma vie si j'avais suivi plus strictement le conseil  de Virginia. Mais je n'ai pas farouchement exigé d'"avoir une chambre à moi". D'où, sans doute, cette impression de n'avoir pas vraiment de "chez moi". Et de fait : objectivement, j'habite chez un autre.

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